jeudi 26 février 2009

La geste de monsieur Smith

Oyez, gentes damoiselles et gentils damoiseaux! Oyez la triste histoire que je m'en vais vous narrer! tirez-en d'utiles conclusions, ne restez point sourds à la morale qui en découlera, sinon peut-être à votre tour serez-vous la victime de ce drame...

Adonc, il était une fois, dans une petite ville, un homme qui s'appelait Smith. Cet homme était un homme heureux, béni par les dieux, à qui le destin avait tout offert : une femme jolie, pleine de noblesse et d'intelligence, deux magnifiques enfants, blonds comme le blé, aux yeux bleus pétillants de malice et deux chiens, lévriers pure race, qu'il choyait mieux que les sus-nommés enfants et femme, parce qu'ils le valaient bien.

Dans tout le village l'on vantait l'intelligence et la grande culture de notre homme. La librairie de son quartier, qui était du reste la seule de la petite ville, en avait fait son meilleur client. C'était l'une de ces petite échoppes qu'on eut dit plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur. Les livres y foisonnaient, jaillissaient du sol et des tables tels de fragiles montagnes instables. Le libraire, un aimable jeune homme, était toujours ravi de conseiller à monsieur Smith, parmi l'océan de nouveautés qui engloutissaient sa librairie, les plus belles petites perles, dénichées au péril de sa vie, ou presque.

Ainsi allait la vie de notre héros, pleine de joies et de passions culturelles, quand un jour maudit, alors que comme à son habitude il sortait de sa bien-aimée librairie avec un chargement de trésors, il entendit de bien étranges rumeurs. Il se murmurait parmi la populace le suivant récit : une demeure effrayante avait poussée comme une mauvaise herbe à la périphérie de la ville. Toute de métal et de verre, la gigantesque construction écrasait de sa présence le reste du paysage. On ajoutait que, même hors de vue, la bâtisse exerçait sur le simple promeneur une attraction malsaine et répugnante. Oui, quelque chose, quelque présence impalpable se dégageait de la tour.

Déjà, on la disait hantée.

La peur l'emportant sur la curiosité, monsieur Smith ne s'approcha pas de la terrible demeure. Il rentra chez lui ce soir là, mais de bien méchante humeur : quelque chose troublait son paisible bonheur. Cette chose qu'il avait, au milieu de tous ces murmures affolés, entendu affublée d'un nom étonnant, quatre lettres démoniaques qui insufflaient à elles seules une bien légitime crainte à notre héros : F.N.A.C.
Pendant son repas, il flatta ses garçons à propos de leur nouvelle robe, demanda à ses lévriers si l'école s'était bien passée, et caressa machinalement sa femme : monsieur Smith était troublé.

Dans les jours qui suivirent, monsieur Smith tenta tant bien que mal de ne pas rompres à ses rites. Le matin, comme à son habitude, il besognait sa femme pendant dix minutes, se lavait, promenait, toilettait et brossait ses deux chiens, embrassait ses enfants, puis il s'en allait travailler. A la sortie de son office, il se rendait à sa librairie, afin d'y quérir quelque nouvelle lecture. Puis il rentrait en son foyer, chérir femme, enfants et, surtout, lévriers. Mais les rumeurs se faisaient de plus en plus présentes. Partout en ville la nouvelle circulait. Où qu'il alla il n'entendait que ces quatres maudites lettres : F.N.A.C, F.N.A.C, F.N.A.C! Si bien qu'un jour, la curiosité l'emportant sur tout autre sentiment, il craqua, et se retrouva un soir, non pas devant sa petite librairie, mais devant la bâtisse honnie.

Malgré lui, son esprit trouva quelque attrait à la chose. Outre sa silhouette aux lignes épurées et aux reflets chatoyants, il émanait une aura séduisante de la demeure. En tendant l'oreille il pouvait discerner, quelque part à l'intérieur, une étrange mélodie, à peine audible et pourtant diablement attirante. Sans s'en appercevoir, il s'était approché, pas à pas. Un frisson d'horreur pire le traversa quand il se rendit compte que d'autres, comme lui, étaient attirés par le chant de sirène. Quelques uns même, il ne s'en rendit compte qu'à ce moment, étaient entrés dans le bâtiment. Il était maintenant suffisament proche pour remarquer des mouvements à travers les vitres presques opaques. Oui, il y avait de la vie, là-bas, à l'intérieur.

Ce jour là, par quelques effort de volonté presque surhumain, monsieur Smith parvint à se soustraire à l'envoutement maléfique. C'était un exploit, presque un miracle, mais l'homme savait qu'il n'avait fait que repousser l'inéluctable. Il avait vu, juste avant de tourner les yeux, au moment où un pauvre hère s'était engouffré par les portes coulissantes, un trésoor qui avait fait battre la chamade à son pauvre coeur. Il y avait, là-bas, ddans cet antre du mal, cette bouche des enfers, un objet de convoitise auquel il ne saurait résister bien longtemps : des livres.

De cet instant, ses nuits ne trouvèrent plus de repos, hantées par des cauchemars sans fin, dans lesquels des voix éthérées murmuraient à son oreille : "Viens... Viens..." Et le jour, ses pas le menaient comme par hasard devant la Chose. La petite librairie ne trouvait plus place en son esprit. S'en fût-il encore préoccupé, ne serait-ce qu'un peu, qu'il aurait appris, sans surprise, sa fermeture définitive. Aurait-il regardé autour de lui qu'il aurait remarqué d'autres qui, comme lui, à peine conscients, tel de zombies, affluaient aux alentours de la F.N.A.C et, de plus en plus souvent, y pénétraient. Et quand ils en sortaient, plus jamais ils n'étaient les mêmes. Mais monsieur Smith ne remarqua rien. Ne pouvait rien remarquer.

Tous les jours, son attirance pour la construction cauchemardesque augmentait, son désir d'y pénétrer se faisait de plus en plus inssuportable. Ses pas le rapprochaient de la structure, au point d'en frôler les vitres. Il y collait désespérément son visage, tentant de discerner les objets de sa convoitise. Il ne se rasait plus, il ne parlait plus ni à ses enfants, ni à sa femme, et ne parlonss même plus de la besogner... Car il avait perdu tout attrait pour la bagatelle, en même temps qu'il avait perdu goût à la bonne chair. Pire que tout, sacrilège impardonnable, ses chiens n'avaient plus place maintenant dans sa vie. Tout, tout était sans saveur, comparé à la F.N.A.C.

Et ce qui devait arriver, un jour, arriva.

Dans un dernier sursaut de conscience il laissa un message, un ultime avertissement à sa famille, avant de sombrer définitivement. La missive, laconique, tenait en quelques mots, dans lesquels on pouvait lire le désespoir, la rage, et les ultimes sursauts d'une conscience corrompue.

Plus jamais on ne revit monsieur Smith.

On murmure parfois, aux moments les plus terrifiants de la nuit, que monsieur Smith s'est laissé corrompre, que l'intelectuel, le modèle de culture s'est fourvoyée avec complaisance dans le stupre et la fornication : il serait maintenant l'un des dirigeants de la F.N.A.C.

La femme de monsieur Smith, à son tour, fut attirée irrémédiablement par la monstrueuse structure. Plus tard encore, même ses enfants se laissèrent corrompre. Seuls les lévriers de monsieur Smith, à l'esprit impénétrable, imperméable à toute tentative de séduction, résistèrent à l'appel, ce qui prouve, si preuve il fallait, la supériorité de la gent canine sur l'espèce humaine.

Plus personne, dorénavant, n'est présent pour lire l'ultime avertissement. Le feuillet au contenu déserpéré gît maintenant au fin fond d'une poubelle, couvert de crasse, et les quelques mots qui le composent sont devenus presque illisibles. Ces mots que, lecteur, tu ne dois pas oublier, sii tu veux garder ton esprit intact, et qui doit rester gravé en toi comme la plus haute des morales :
"La FNAC, c'est le mal"

Bientôt danns vos FNAC, un nouvel épisode de la célèbre Geste des libraires : "Amazon est notre ennemi"!!

2 commentaires:

Anonyme a dit…

*sors sa pancarte*
A BAT LA F.N.A.C !
j'ai une carte Fnac ... je vais m'abattre

Anne-Laure a dit…

Joli style, j'ai bien aimé!