vendredi 19 novembre 2010

L'histoire sans nom, chapitre 1, suite 3

Quand Catelyn était entré dans la boulangerie-épicerie-poste-mairie-PMU, un seul coup d'oeil avait suffit pour qu'elle sache à quoi s'attendre1. Une série de néons défaillants plongeaient dans l'ombre plus qu'ils n'éclairaient des lieux en état de délabrement avancé. Le patron, grand ,gros, et gras, lui jeta un regard peu amène et poussa un grognement qui signifiait peut-être, dans son langage personnel : « Bonjour mademoiselle ». Catelyn désigna du doigt une bouteille derrière le bonhomme, couverte d'une crasse dont il ne valait mieux pas connaître l'origine. Elle plongea sont regard dans la substance vaguement ambrée que lui versa le tenancier avant d'en boire la totalité, cul-sec.
Bon, qu'est-ce qu'elle foutait, l'autre? La principale qualité de Catelyn n'étant certes pas la patience, il lui fallait trouver une occupation en attendant.
« Toi, t'es une étrangère! »
Quelqu'un venait de lui poser une main poisseuse sur l'épaule. La jeune femme se retourna lentement, un grondement sourd au fond de la gorge. Le spectacle n'était pas très beau à voir : un visage mou et triste, ravagé par le temps et l'alcool, un corps long, maigre, courbé et deux bras comme des enclumes composaient l'homme.
« J'aime pas les étrangères, moi – cracha-t-il. Il fit une pause qui se voulait sans doute dramatique, puis repris – Et mes potes non plus, ils aiment pas les étrangères. »
Des grognements d'acquiescement se firent entendre dans toute la salle, tandis que des chaises raclaient le sol.
-Vous, vous tombez bien! – gronda-t-elle. »
D'un regard, La femme fit le tour de ses adversaires – ils était douze – puis se tourna vers le barman.
Visiblement habitué de la chose, il avait sorti une batte de sous le comptoir. Catelyn la lui retira des mains d'un mouvement rapide. Il lui jeta le regard apeuré d'un hérisson face aux phares d'une voiture, puis plongea derrière son comptoir.
Elle soupesa son arme un instant, puis sourit à l'assemblée.
« Alors, qui commence? »

Alors que le premier des assaillants lui plongeait dessus, Catelyn et sa batte disparurent de leur champ de vision. Le grand mou, celui qui avait interpellé la jeune femme et qu'on appelait Dédé, regarda autour de lui avec méfiance. Elle était rapide, très rapide, pour avoir réussi à se fondre dans l'ombre avec autant de célérité. Un pitoyable geignement troua la chape de silence qui s'était installée. Dédé et les autres se retournèrent. Un de leurs compagnons, un grand balafré à l'air hargneux (du moins d'habitude) était plié en deux et se tenait les parties.
Dédé, se recula contre un mur, et d'un signe indiqua à ses compères de faire de même. Puis il attendit que les ombres complices du bar lâchent la furie qui avait osé s'en prendre à Charles, dit la Massue.
- Pas si bête que ça finalement – glissa une voix à sa gauche.
Sa réaction, pour rapide qu'elle fut, ne le fut pas assez pour éviter la batte qui lui re-dessina le faciès à la Picasso. Il eut juste le temps de voir, comme au ralenti, le visage souriant de Catelyn, ses cheveux roux ondulant au rythme de ses mouvements alors qu'elle se tournait déjà vers un autre adversaire, avant de sombrer dans l'inconscience.
1Le nom de l'estaminet, « Le colosse qui pisse » ayant déjà constitué un indice important.

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