dimanche 3 octobre 2010

L'histoire sans nom, chapitre 1, suite

Un événement nouveau se passait à Barbebouq, et la chose était tellement rare qu'elle mérite d'être notée.
Barbebouq, c'était ce qui se rapprochait le plus par ici d'un village : une vingtaine de maisons branlantes serrées les unes contre les autres, dont une boulangerie qui faisait aussi office d'épicerie, de poste, de mairie et surtout de PMU ; accolé à cette dernière, un musée était dédié à un seul et unique thème : le pain sous toutes ses formes1 ; et enfin, au centre du tout, une modeste église accompagnée, comme de juste, de son curé, son cimetière, son fossoyeur et ses fidèles.
Tout le monde ici connaissait tout le monde, pour deux raisons essentielles : tout d'abord, le nombre d'habitants était si réduit qu'il fallait avoir une mémoire terriblement défaillante pour ne pas reconnaître, au moins de vue, son prochain. Ensuite il fallait être réellement désespéré pour visiter ou pire, s'installer à Barbebouq. Cela faisait donc plus de dix ans qu'on avait pas vu s'arrêter un étranger.
On pouvait légitimement se demander l'intérêt de faire commencer l'histoire en ces lieux ou rien, jamais, ne se passait.
Et bien ce jour-là, et c'était en soi un événement, une voiture surgit en trombe dans la rue principale, freina brusquement tout en effectuant un demi-tour complet dans un nuage de poussière, et s'immobilisa enfin en faisant crisser désagréablement ses pneus. La conductrice, une sorte de kamikaze du volant qui s'appelait Catelyn, observa le décor depuis l'habitacle de la voiture, coupa le contact, puis poussa un soupir et la porte de son véhicule.
Le calme habituel retomba sur le village.
Aucune des maisons ne semblaient abriter le moindre signe de vie humaine, et les champs qui cernaient le village paraissaient vides eux aussi. A part le bruit des bottes de l'intruse, aucun son ni signe de vie ne semblait vouloir peupler l'endroit. Quelque part au loin, un grillon stridula pour faire bonne mesure.
La femme s'assit sur un plot en pierre qui semblait n'attendre qu'elle, fit jouer les articulations de son cou en esquissant une légère grimace, et sortit d'une poche de son jean un téléphone mobile, en ces lieux inutile, auquel elle jeta un regard résigné.
Etant donné la relative immobilité de la femme, l'instant paraît idéal pour opérer une description de celle-ci. De bas en haut voici ce qu'on voyait : Des bottes, d'abord. Pas des bottes à talons aiguilles et couleurs savamment choisies, non. Des bottes toutes simples en vieux cuir marron, pesantes, plus utiles dans les bonnes bagarres de bar avec coups de pieds dans les testicules que dans les défilés de mode. Ensuite un jean, un peu moulant mais pas trop, mettant en valeur juste ce qu'il fallait de formes pas désagréables à regarder. Plus haut encore, un t-shirt ajusté, blanc, quelque peu déformé par une petite poitrine, et dessus un imprimé en forme de taches de sang très désagréablement ressemblantes. Au dessus enfin, un visage aux traits doux, des lèvres fines, un petit nez fin et retroussé et des yeux verts perçants, rehaussés par un trait noir de khôl, couronnés par une chevelure d'un roux flamboyant, coupés au carré. Le tout constituait un mélange détonnant de brutalité et de féminité, ce qui n'ôtait rien, bien au contraire, au charme de Catelyn. La jeune femme leva la tête vers le ciel rempli de nuages.
Oui, en plus, il allait bientôt pleuvoir.

1Et pour la plupart, sous la forme rancie.

1 commentaire:

Madame et Monsieur a dit…

Quel plaisir de te relire, cher 'vinou ! Je crois voir ce qui a pu te donner l'idée de l'utilisation... "délicate" des bottes en vieux cuir marron, j'ai l'impression que c'est resté un traumatisme, chez toi...
En attendant le plaisir de vous relire, tous les deux, à bientôt !
- Madame -