samedi 2 octobre 2010

L'histoire sans nom, chapitre 1

Où l'on découvre avec un plaisir mitigé une bien belle une riante une région :

La Beauce était peut-être la région la plus laide et la plus triste de France. Par quelque transfert mystérieux, des générations de seigneurs consanguins, de paysans amorphes et abrutis par le travail, d'exploitants cupides et sournois, de taciturnes tenanciers, de femmes au foyer dépressives et d'artistes maudits dénués de talents1 avaient laissé leur empreinte dans le paysage. Sur plusieurs centaines de générations, une sorte de conscience collective avait émergée, répandant alentour son influence incoercible. Bien plus qu'une ambiance, c'était un avertissement lancé par la Beauce au reste de la France. Difficile de traduire en langage clair l'essence de ce message. Disons qu'il faisait ressentir à tout être un sentiment qu'on pourrait nommer, à défaut d'un meilleur terme, de la désespérance molle. Le paysage lui-même traduisait l'ennui à l'état pur. Des champs, grandes étendues jaunâtres sans relief, s'étendaient à perte de vue. Quelques groupes d'arbres rachitiques, épines malsaines plantées dans le paysage, attendaient qu'un bûcheron compatissant vienne les achever et les seuls oiseaux qu'on pouvait y rencontrer ne chantaient jamais ou pire, chantaient faux.
Tranchant le paysage, une route passait. Une nationale large et rectiligne, sans doute à l'usage des gens qui voulaient traverser les lieux le plus vite possible.
Au milieu de la route, une petite fille blonde marchait.

.........
1Ceux qui en étaient pourvus étant partis depuis longtemps déjà.

Aucun commentaire: